The Conversation : « Générosité des Français : plus de dons… mais également plus d’inflation »

Publié par Université Savoie Mont Blanc, le 6 janvier 2025   16

Cet article a été écrit par Elodie Manthé, maîtresse de conférences en sciences de gestion à l'Institut de Recherche en Gestion et Economie de l'Université Savoie Mont Blanc. Il est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. [Lire l'article original]

À l’approche de Noël, les appels aux dons pour Mayotte et les associations se multiplient. Les derniers chiffres sur la générosité des Français sont encourageants : 72 % d’entre eux déclarent un don en 2022, pour un total de 3,6 milliards d’euros. Un altruisme freiné par l’inflation de 2023. L’engouement des Français est cependant ralenti par l’apparition de l’arrondi solidaire et des dons en caisse.

Les tôles qui volent, les maisons et écoles dévastées, des habitants sinistrés… les images du passage du cyclone Chido à Mayotte ne peuvent laisser indifférent. Certains d’entre nous ressentent un élan de générosité, encouragés par des collectes de dons – notamment par la Croix-Rouge, le Secours Populaire, la Protection Civile ou la Fondation de France.

À l’approche des fêtes, les campagnes de publicité dans les transports en commun et les appels aux dons dans nos boîtes aux lettres ne sauraient nous le faire oublier. Car le dernier trimestre de l’année est un moment clé pour les associations. 23 % des dons sont récoltés au mois de décembre. Avec la baisse des subventions publiques – représentant en moyenne la moitié du – financement des associations – dans le dernier projet de loi du budget, l’enjeu est de taille.

Baromètre de la générosité des Français.France Générosité, Fourni par l'auteur

Plus de dons, mais également plus d’inflation

Le Baromètre 2022 de France Générosité révèle que la générosité des Français a baissé de 3,9 % en 2022 par rapport à l’année précédente du fait du fort taux d’inflation à 5,2 %. Cette hausse des prix, notamment sur les dépenses énergétiques, a une forte incidence sur la santé financière des associations. En corollaire, les difficultés financières des adhérents et la baisse de leur nombre selon le Mouvement Associatif.

À l’échelle individuelle, les Français donnent de différentes façons. Ils sont 23 % à être bénévoles dans des associations – mécénat de compétence. Côté dons financiers, la générosité des Français résiste à l’inflation. 72 % des Français déclarent un don, pour un montant total collecté plus de 3,6 milliards d’euros en 2022 déclarés au titre de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la fortune immobilière. Fait notable, ce sont les moins de 30 ans et les plus de 70 ans qui donnent le plus, proportionnellement à leurs revenus.

En 2021, 1 % des donateurs les plus généreux ont assuré à eux seuls 22 % du montant total des dons, tandis que la moitié des donateurs n’a contribué qu’à 12 % de la collecte annuelle. Quant aux petits dons – hors arrondi solidaire –, ils sont en net recul. En 2023, les contributions ponctuelles de moins de 150 euros ont diminué de 2,7 % par rapport à 2022. Celles inférieures à 50 euros ont chuté de 8,1 %. Cette tendance est la même outre-Atlantique. Aux États-Unis, les dons caritatifs des particuliers ont atteint 326 milliards de dollars en 2021.

Aide et protection à l’enfance privilégiée

L’aide et la protection de l’enfance reste la cause privilégiée des Français, citée par 29 % d’entre eux. Cette cause occupe la première place depuis 2012. Juste derrière, la protection des animaux, mentionnée par 26 % des Français, connaît une ascension fulgurante. Passée de la 7 e position en 2019 à la 1re en 2022, elle s’impose désormais comme la deuxième cause la plus soutenue en 2024. Enfin, le soutien à la recherche médicale complète le podium, rassemblant 24 % des préférences.


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Dons et anti-consommation

En caisse des magasins pour les courses de Noël, de plus en plus de consommateurs se voient proposer des dons de quelques centimes. Une multitude de termes sont utilisés : don en caisse, arrondi solidaire, campagne de charité au point de vente, micro-don ou encore sollicitations publiques de dons.

Contrairement aux campagnes de levée de fonds traditionnelles ou aux sollicitations directes des organisations à but non lucratif, ce sont les détaillants qui sollicitent et collectent les dons pour les arrondis solidaires. Ce changement de rôle influence potentiellement la décision de donner. Elle peut même provoquer une réticence au don qui fait échos au phénomène de l’anti-consommation.

Des recherches antérieures ont montré que les consommateurs sollicités pour des dons en caisse tendent à être moins satisfaits de leur expérience d’achat comparé à ceux qui ne le sont pas. Ils expriment fréquemment des sentiments négatifs à l’égard des campagnes de dons en caisse. Ces observations mettent en évidence la diversité des réactions individuelles face à ce type de sollicitation et l’absence de bénéfices pour les détaillants qui mettent en œuvre ces campagnes.

Éviter la donation fatigue

Dans une étude portant sur l’analyse de la base de données de microDON – l’entreprise française proposant des outils de collecte de dons en caisse –, les dons ne sont pas forcément liés à la générosité des Français. Le taux de participation aux campagnes de micro-donation en caisse pourrait être d’une part un révélateur de la proximité client-enseigne. D’autre part, un outil à manier avec précaution, selon l’activité de l’enseigne.

Ce qui devrait être une occasion d’exprimer sa générosité pourrait devenir une source de gêne et d’anxiété. Cette transformation commerciale du secteur associatif contribue au phénomène de « donation fatigue » ou épuisement des donateurs en français, qui peut se définir comme une « réticence à s’engager dans des dons volontaires ou des comportements altruistes ».

Donateurs consommateurs

Pour éviter cet épuisement du donateur, les formes de dons ne cessent d’évoluer. De nouvelles modalités émergent, telles que l’arrondi sur épargne, les dons en ligne ou encore les campagnes de collecte sur les réseaux sociaux. Ces innovations offrent de nouvelles opportunités pour les donateurs, mais aussi des défis pour garantir l’intégrité et l’efficacité des campagnes.

Le respect des principes de transparence qui caractérisent les campagnes de dons traditionnelles permettrait d’éviter la fatigue des donateurs. De leur côté, les donateurs doivent faire preuve du même discernement que lorsqu’ils enfilent leur casquette de consommateur. À savoir, comparer les options et choisir celles qui répondent le mieux à leurs attentes.

À l’heure où les frontières entre donation et consommation deviennent floues, il devient crucial de maintenir un équilibre entre générosité et responsabilité. The Conversation