Une journée sur le glacier de la Girose avec le collège La Combe de Savoie

Publié par Marylou Benoit, le 7 juillet 2021   2.9k

Cet article a été rédigé dans le cadre d’un stage au sein du service médiation de la Galerie Eurêka, et en collaboration avec La Casemate.


Lucas Davaze (en haut), Pascal Guiboud (en bas à gauche) et Morgan Barbot (en bas à droite)


Jeudi 10 juin 2021, douze élèves de 4ème et trois professeures du collège La Combe de Savoie (Albertville) ont eu la chance de se rendre sur le glacier de la Girose. Ce glacier est exploité par la station de La Grave dans les Hautes-Alpes et se trouve à 3 200 mètres d’altitude. Sur place, ils ont retrouvé Lucas Davaze, glaciologue, Pascal Guiboud, guide de haute montagne et Morgan Barbot, pisteur secouriste.

Pour les élèves, cette expédition s’inscrit dans un projet Erasmus en collaboration avec le Portugal, la Finlande, la Croatie, l'Espagne et la Pologne sur le thème du développement durable. C’est dans ce cadre que leurs enseignantes ont fait appel à Lucas Davaze, docteur en glaciologie et fondateur de Médiation Climat. Avant l’expédition, il est intervenu trois fois en classe pour familiariser les élèves de 4ème avec la thématique du climat.

  • Lors de la première séance, Lucas Davaze leur a expliqué l’histoire du climat terrestre, les cycles de glaciation ou encore la différence entre la météo et le climat.
  • La deuxième séance était consacrée au climat actuel. Pourquoi le climat change-t-il rapidement ? En quoi l’Homme est-il responsable des changements actuels ? Quels sont les effets sur les glaciers ? Cette séance a permis la préparation de la sortie.
  • Lors de la troisième séance, les collégiens ont dû réfléchir par groupe à des solutions pouvant être apportées, à leur échelle, concernant les transports, la consommation ou encore l’alimentation. Ils ont ainsi pu prendre conscience de petites solutions à mettre en place au quotidien dans leur vie.

La genèse d’un projet de sciences participatives

Pendant sa thèse, Lucas Davaze s’est rendu compte d’un « décalage entre l’avancée de la recherche et le niveau de connaissance du grand public ».
C’est en puisant dans son expérience personnelle sur le terrain qu’il a ressenti cette envie, ce besoin d’impliquer le public et « de mieux transmettre et mieux décrypter ce qui est fait dans le monde de la recherche ».

Ainsi, en collaboration avec la station de La Grave et avec Morgan Barbot en particulier, un projet de sciences participatives est né : faire des mesures de suivi du glacier avec des citoyens. Pascal Guiboud s’est associé au projet pour y apporter son expertise de guide de haute montagne. Tous les trois sont sur le terrain quotidiennement et voient le glacier évoluer année après année.

« Je trouvais important d’impliquer le public dans ces mesures là pour qu’il soit vraiment actif, qu’il participe à ces mesures qui ont un intérêt. Je pense que la meilleure façon de prendre conscience [du changement climatique] c’est par l’action ». Lucas Davaze


Des actions sur le terrain…

Une fois le groupe arrivé sur les lieux, plusieurs cordées ont été formées pour marcher sur le glacier jusqu’à la zone de récolte des données. Deux méthodes ont été utilisées.

Différentes mesures prises par les collégiens
  • La première méthode consiste à effectuer des carottages de glace. Chaque carotte est mesurée et pesée. Les données récoltées sont ensuite comparées à des données d’années précédentes.
  • La deuxième méthode s’effectue dans un puits de neige de 3,10 mètres de profondeur. Sur les parois de ce puits, différentes couches de neige sont visibles. Les collégiens ont alors collecté plusieurs données : le nombre général de couches visibles, l’épaisseur, la densité et la température de chaque couche. Ils ont également observé les cristaux de glace à la loupe et ont pu se rendre compte des différences qui peuvent exister entre eux.

Toutes ces données participent au suivi de l’évolution du glacier dans le temps et sont précieuses pour la station de La Grave et la recherche en glaciologie.


… au service de la sensibilisation au changement climatique

Les glaciers sont de véritables laboratoires naturels pour étudier les changements climatiques de notre planète. Année après année, des bilans de masse sont effectués grâce aux données récoltées sur de nombreux glaciers. Un bilan de masse est la différence entre la quantité de neige accumulée jusqu’à la fin du printemps et celle perdue pendant l’été. Les chercheurs estiment que le glacier de La Girose a perdu en moyenne 30 mètres d’épaisseur de glace entre 1967 et 2016.


Bilan de masse du glacier de la Girose au cours du temps

Les premiers à s’en rendre compte sont les usagers et les professionnels de la montagne comme Pascal Guiboud et Morgan Barbot.

« L’évolution des glaciers c’est juste impressionnant. C’est une évolution qui tend malheureusement vers une fonte et on s’aperçoit année après année qu’on perd de la hauteur de glace et c’est assez considérable. Je suis guide depuis 1993 et le souci lié à la fonte glaciaire est très présent depuis une dizaine d’années ». Pascal Guiboud 

Morgan Barbot, est convaincu que les stations se doivent de sensibiliser les usagers à l’évolution des montagnes. « C’est hyper important pour les stations, d’expliquer aux gens, de leur montrer. Ici on est en première ligne […]. Quand on parle de réchauffement climatique à Grenoble ou ailleurs, on n’a pas le même impact qu’ici. Ici on se rend vraiment compte, on voit les choses évoluer et pas forcément sur le bon chemin pour l’instant. La sensibilisation est importante. Ces jeunes-là quand ils vont redescendre ils auront un autre aspect […] du réchauffement climatique. Ils auront vu quelque chose de différent ici ».

Un pari réussi si on l’on en croit le retour des élèves et de leurs professeures.

« Ça a été une découverte des vraies problématiques pour moi, je n’étais pas aussi bien informée avant. C’est en faisant ce projet que j’ai vraiment réalisé ce qu’il se passait. Avant je n’avais pas toutes les informations. C’est hyper enrichissant et on se dit que c’est fondamental ! Si on peut [ faire venir les élèves] sur le terrain, pour leur génération c’est une chance qu’ils répandent aussi autour d’eux leurs connaissances. Et nous aussi d’ailleurs ». Béatrice Bovier-Lapierre, professeure de mathématiques.

« Quand on nous montre [où était le glacier avant], on se rend compte que ça a extrêmement baissé et que ça ne va pas en s’arrangeant. On a toujours des idées sur le réchauffement climatique, mais on ne voit jamais vraiment la différence. Et là on voit vraiment […], on s’en rend bien compte, on peut évaluer la situation ». Mila, élève de 4ème.

Ses camarades sont du même avis, Chloé a trouvé que « c’était très instructif d’apprendre tous ces changements ». Éric et Mohamed eux, aimeraient bien refaire ce genre de journée. « Mais on ne sait pas si ça sera possible » et trouvent ça dommage.

Tous sont d’accord pour dire que « c’est quand même une belle aventure pour des collégiens de pouvoir faire ça » et se sentent chanceux d’en avoir appris autant.

  • Pour plus d'images, retrouvez la vidéo de cette journée réalisée par Kimberly Bonnel de la Casemate.
  • Si vous souhaitez, vous aussi, vous rendre sur le glacier de la Girose et contribuer à ce projet de sciences participatives, rendez-vous sur le site Internet de Médiation Climat.

Marylou Benoit
Crédits photos : Kimberly Bonnel, Pascal Guiboud et Marylou Benoit